Les bourrasques qui soulèvent aujourd’hui le secteur mondial de l’éolien offshore ressemblent moins à un vent d’ouest régulier qu’à un front mouvant, chargé d’opportunités mais aussi d’écueils financiers. Au cœur du maelström, deux figures se détachent : Ørsted, l’ex-pétrolier danois converti en champion des énergies renouvelables, et EDP Renewables, bras armé du groupe portugais pour la production verte. L’un revendique une avance historique et technologique, l’autre réplique avec une agilité latine, un pipeline élargi et des alliances multiples. Les investisseurs guettent le titre de leader, les côtes européennes et américaines observent la montée des mats, et les citoyens cherchent la preuve d’une durabilité réelle. Entre récits de transformation industrielle, paris financiers et innovations telles que l’hydrogène vert, la compétition Ørsted vs EDP éclaire les chemins variés de la transition énergétique. Les pages qui suivent dissèquent la rivalité, section par section, pour tenter de répondre à la question : qui domine vraiment l’énergie éolienne offshore ?
Ørsted et EDP : trajectoires historiques vers l’éolien offshore
La première question posée par les analystes est souvent chronologique : quel groupe a découvert en tête la promesse du vent marin ? Ørsted, alors baptisé Dansk Olie og Naturgas, gérait encore des plateformes pétrolières au début des années 2000. Pourtant, l’entreprise a coupé les amarres fossiles bien avant la plupart de ses pairs : fermeture de sa dernière centrale à charbon, mise en vente du portefeuille gazier dès 2017 et réorientation brutale vers un développement « 100 % vert ». En 2020, malgré la pandémie, son EBITDA grimpe à 13,1 milliards de DKK, poussé par des parcs comme Hornsea 1 ou Borssele 1 & 2. Cette mutation éclaire un style nordique : décision ferme, planification rigoureuse, capitalisation boursière équivalente à des majors pétrolières.
EDP, de son côté, bascule plus progressivement. Le groupe portugais, déjà acteur dans l’hydroélectricité, crée EDP Renewables (EDPR) en 2007, puis s’appuie sur des marchés espagnols et brésiliens. L’offshore arrive plus tard : Sea-Lion au Royaume-Uni, WindFloat Atlantic en 2020, puis Mayflower dans le Massachusetts en codéveloppement. L’ascension est moins verticale mais gagne en largeur : EDPR maîtrise l’onshore sur trois continents, ce qui ouvre des flux de trésorerie utiles aux coûteux projets marins.
Trois jalons qui résument la métamorphose nordique
- 🌊 2008 : Ørsted installe la première éolienne offshore de 3,6 MW dans la mer du Nord, un exploit technique à l’époque.
- 🚢 2016 : l’entreprise revend ses dernières participations pétrolières, un geste rarissime dans le secteur.
- 🎉 2024 : Corporate Knights la place pour la cinquième fois en tête de l’indice Global 100 des firmes les plus vertueuses.
Moments clés de la stratégie portugaise
- 🌅 2011 : EDPR inaugure le parc onshore de Serra Bonita au Brésil, posant les bases d’un empire latino-américain.
- ⛵ 2019 : annonce d’un partenariat avec Engie pour Ocean Winds, joint-venture dédiée à l’offshore.
- 🔋 2025 : lancement prévu du projet côtié « Grey Hound » au New Jersey, 1,2 GW, vecteur d’entrée sur le marché US du vent en eaux profondes.
Insight final : historiquement, Ørsted garde l’ancienneté et l’effet d’échelle, alors qu’EDP capitalise sur une diversification sud-nord payante. La « maturité » nordique et la « jeunesse agile » portugaise incarnent deux récits complémentaires qu’il faudra comparer sous l’angle financier immédiatement après.
Modèles économiques : de la transition énergétique à la rentabilité durable
L’énergie éolienne offshore exige des bilans capables d’absorber un CAPEX moyen d’environ 2,5 millions d’euros par mégawatt. Les deux rivaux ont donc dû revoir leurs modèles de revenus. Chez Ørsted, la clé réside dans la « core + farm-down strategy » : construire, exploiter jusqu’à la stabilisation du facteur de capacité, puis céder 50 % à un investisseur institutionnel tout en restant opérateur. Ce mécanisme libère du capital pour les chantiers suivants, tout en conservant un flux stable issu des OPEX.
EDP adopte une logique similaire, mais y ajoute le financement de projet : chaque parc est hébergé dans une entité ad hoc où EDPR conserve la majorité. Avantage : dilution du risque pays, attractivité pour les banques de développement brésiliennes ou asiatiques. Inconvénient : complexité juridique et marges parfois plus minces.
Principales sources de valeur 💶
Source | Ørsted | EDP | Commentaire ⚡ |
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PPA corporate | 35 % des revenus | 28 % | Ørsted tire profit de grands accords avec Amazon et LEGO. |
Marchés de capacités | 18 % | 25 % | EDP capture des primes au Portugal et en Espagne. |
Vente partielle (farm-down) | 26 % | 17 % | Modèle danois plus agressif en cession. |
Crédits carbone & certificats verts | 6 % | 8 % | Les deux profitent d’un marché en croissance. |
Autres (hydrogène, services grid) | 15 % | 22 % | EDP prévoit une forte hausse via l’hydrogène. |
Liste des leviers financiers à surveiller 🔍
- 📈 Évolution des taux longs : sensibilité de 100 M € sur la VAN pour 50 pb chez Ørsted.
- 🛡️ Garanties étatiques sur les CfD britanniques : un atout commun, mais potentiellement révisable.
- 🔄 Refinancement vert via des obligations Sustainability-Linked Bonds.
- 🎯 Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE, qui renchérit le fossile et rend le kilowattheure éolien plus compétitif.
Insight final : la rentabilité n’est plus un rêve mais une réalité sous conditions d’ingénierie financière. Ørsted joue la rotation d’actifs, EDP la syndication mondiale ; deux chemins qui, pour l’instant, laissent les marges EBITDA voisines (31 % vs 28 %).
Le prochain volet examine précisément la taille des flottes et des projets futurs : la matérialité des mégawatts parlera plus fort que toute promesse marketing.
Capacités installées et pipeline de projets en 2025 : chiffre contre chiffre
Le débat « qui est le leader ? » devient concret lorsqu’on additionne turbines et câbles. Au 1ᵉʳ janvier 2025, Ørsted revendique 15,4 GW offshore en exploitation et 11,3 GW en construction. EDP, par l’entremise d’Ocean Winds, annonce 4,2 GW opérationnels et 9 GW en développement actif. Sur le papier, l’avance danoise semble inattaquable ; cependant, le pipeline portugais contient plusieurs projets flottants à haut facteur de capacité, susceptibles de hausser la production effective.
Répartition géographique 🌍
- 🇬🇧 Grande-Bretagne : Ørsted détient 38 % des capacités installées, EDP 11 %.
- 🇺🇸 États-Unis : Mayflower (EDP) 1,6 GW, South Fork & Revolution (Ørsted) 1,2 GW cumulés, mais Ørsted occupe davantage le pipeline atlantique.
- 🇰🇷 Corée du Sud : Ørsted signe en 2024 un MoU pour 1,6 GW, EDP reste absent.
- 🇵🇱 Baltique : Ocean Winds prépare BC-W3 (400 MW), tandis que Ørsted codéveloppe Baltic Power (1,2 GW) avec PKN Orlen.
Pour chiffrer l’avance potentielle, un outil interactif est proposé ci-dessous. Il permet de comparer, scénario par scénario, les mises en service prévues.
Comparateur interactif : Ørsted vs EDP
Cliquez ou appuyez sur une ligne pour voir l’indicateur détaillé et le leader correspondant.
Indicateur | Ørsted | EDP |
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